Côte-d’Ivoire : c’était mieux avant…

Publié le par Frank Simon

Côte-d’Ivoire : c’était mieux avant…

A quand un club ivoirien vainqueur d'une compétition continentale ? Plombé par un championnat qui ronronne, le football ivoirien a fini par perdre son leadership en Afrique subsahélienne...

J’ai lu il y a quelques jours avec grand intérêt mais aussi avec un brin de tristesse le papier à la fois terrible et fort bien documenté de mon confrère de l’Intelligent d’Abidjan, Ben Ismaël. Il y était question du championnat ivoirien, dans un pays appelé à disputer en juin sa 3e Coupe du monde de rang. Une compétition nationale, selon lui, en pleine déliquescence. Et il faut convenir que les chiffres officiels lui donnent plutôt raison : peu de buts marqués (179 après 13 journées) soit 1,96 but par match, et seulement 121 000 spectateurs rassemblés en 91 matches, soit une moyenne ridicule de 1329 personnes… Quant à l’éternel clasico du football des bords de la lagune Ebrié, Africa Sport – ASEC (0-1), Oyé contre Mimos, il n’a rassemblé que 1026 supporters. « Les stades sont vides, plus de bons joueurs, plus de dirigeants capables d’investir dans leurs clubs », écrivait Ben Ismaël, même si l’ASEC, le seul à se battre pour conserver son statut, dispose d’un centre de formation actif. Mais que sont les amoureux du ballon rond devenus en Côte-d’Ivoire ? Pourquoi ont-ils déserté la scène ? Le spectacle est-il si insignifiant ?


Il me revient en mémoire mon premier séjour à Abidjan, en 1994, entre un Tournoi des Black Stars au Burkina Faso et une mission de « reconnaissance » du football malien et ce, au moment même où la France décida de dévaluer le franc CFA. Ainsi donc, j’eus le privilège de suivre depuis la pelouse la Supercoupe ivoirienne entre l’Africa et l’ASEC, formations alors constellées d’internationaux ivoiriens et africains, et dirigées par des coaches étrangers : le Belge René Taelman pour les Oyé, le Suisse Charles Roessli pour les Mimos. Quant aux présis, Simplice Zinsou « ZS » (Africa) et maître Roger Ouégnin (ASEC), l’avant match valait déjà par leurs déclarations fracassantes ! Une sorte d’OM-PSG à l’africaine, qui rassembla plus de 40 000 spectateurs au Felicia, l’enceinte Félix Houphouët-Boigny ! Le match fut rythmé, spectaculaire, engagé, et dans les tribunes, les débats étaient aussi élevés. C’était l’époque où l’ASEC et l’Africa, véritables puissances sportives continentales, étaient craints partout en Afrique. Aujourd’hui, le match semble ne plus concerner grand monde, alors qu’il demeure une authentique affiche du football ivoirien et continental. Le stade Robert-Champroux n’a, c’est vrai, pas la même portée symbolique que le gazon du Felicia. Les joueurs ne sont plus aussi talentueux que leurs illustres aînés. D’autres clubs ont commencé à supplanter sportivement les géants abidjanais. C’est le cas du Séwé de San Pedro qui a changé de dimension avec le président Eugène Diomandé au point de briller en Ligue des champions.

Pourquoi la terre qui a vu se révéler autant d’immenses talents, depuis Tokpa, Pokou, « Ben Badi » Traoré, Sekou Bamba, Sié Donald, Magui Serge, Drogba, et plus récemment les Académiciens de JM Guillou, n’offre-t-elle plus aujourd’hui un spectacle de qualité ? Ce n’est pas qu’une question de moyens. Circonscrire le problème au fait qu’il n’y a plus de présidents mécènes ou que l'argent vient à manquer est une fausse excuse. La professionnalisation des clubs, telles qu’elle est aujourd’hui demandée, exigée même et à raison, par la Confédération africaine (CAF), doit nécessairement s’accompagner d’un effort sur le plan des infrastructures, le respect des contrats, la juste médiatisation aussi de la compétition, le développement des catégories de jeunes. Sinon, comment espérer gagner de nouveau une compétition africaine de clubs ? La dernière fois, c’était l’ASEC, en 1998...

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