Didier Gomes Da Rosa : "Je ne m'imaginais jamais à ce niveau"

Publié le par Frank Simon

De passage à Paris avant Noël, le 3e entraîneur Français d'Afrique 2013 (Trophée Raymond-Zarpa) est venu recevoir le trophée qui l'attendait depuis janvier dernier. Didier en a aussi profité pour échanger longuement avec AfroFootball55 sur son métier, l'Afrique et sa passion pour le football. Voici son témoignage. Authentique.

 

" Didier bonjour ! Votre réaction après cette modeste remise du trophée de 3e Entraîneur français d’Afrique, édition 2013 ?
Ca représente beaucoup ! c’est plus une forme d’encouragement que de reconnaissance. Le trophée Zarpa devrait être très important aux yeux de tous les entraîneurs. On vit des aventures exceptionnelles, il faut rester très humble parce que notre métier l’exige. Ca correspond bien à mon profil, je ne suis pas carriériste, je suis un gars qui a envie de vivre sa passion comme je le fais depuis deux ans et demi au Rwanda et au Cameroun.

Au moment où le blog AfroFootball55 lançait le trophée Zarpa, vous en terminiez avec votre première année en Afrique, au Rwanda. Que vous reste-t-il de cette expérience, que vous en reste-t-il ?
Beaucoup de choses, d’émotions. J’aimerais bien m’y installer à l’avenir, si ce n’était pas si loin de la France ! C’est ma première expérience et ça restera la plus belle, je l’ai dans le cœur, et Rayon Sport est un club au sein duquel j’espère revenir dans quelques années quand il sera professionnel. Il est amené à prendre plus d’ampleur sur la scène africaine, on le voit actuellement avec la sélection du pays qui a gagné près de 80 places au classement mondial. C’est un football en devenir. C’est le club le plus populaire du Rwanda, ça m’enchanterait de revenir dans les années à venir. Il y a eu un contact en octobre mais il faudra attendre quelque temps pour que le club ait les moyens de ses ambitions.

En tout cas, vous en êtes resté proche…
Oui tout à fait. On ne peut pas couper les ponts. Je le dis souvent, je suis né au Rwanda.  J’ai grandi avec Cotonsport après un an, avec ce poste de manager. Le Rwanda, je ne peux pas l’oublier et j’y retournerai un jour, c’est certain !

Votre actualité récente, c’est un doublé Coupe-Championnat au Cotonsport et une place de demi-finaliste de C2 africaine, un bilan exceptionnel pour une première saison…
On aura du mal à faire à part gagner la Ligue des champions ! C’est plus un rêve qu’un objectif au regard des moyens de Cotonsport qui sont 80 à 100 fois moindres que ceux des grands clubs africains. On avait comme objectif de finir dans le Top 2 en championnat et de faire un bon parcours en Coupe, et d’intégrer les poules de coupe d’Afrique. On est largement au dessus, avec un effectif remanié à 90% par rapport à la saison précédente. On va nous demander de faire mieux. Faut rester raisonnable, Cotonsport ne peut guère aller plus haut en termes d’objectifs. Beaucouip de gens attendent une finale de Ligue des champions et on espère leur offrir. Pour ça, il faut faire un recrutement digne de ce nom. On y travaille mais ce sera compliqué : on reste ambitieux mais mesuré aussi.

Avez-vous vendu quelques joueurs pour pérenniser le club ?

On espère qu’il y aura des départs. Il y en a eus pour des joueurs en fin de contrat. On travaille sur Cédric Djeugoué qui a participé à la Coupe du monde, et qui est suivi par des clubs européens. Bien évidemment, des clubs égyptiens et maghrébins sont intéressés et proposent des sommes importantes. Mais pour l’avenir de Cédric, mieux vaut qu’il continue sa progression en Europe. On a aussi Loïc Feudjou, notre gardien international qui a signé au Soudan, à Al-Hilal, une bonne destination aussi même si on aurait préféré qu’il aille en Europe. On a des joueurs sous le feu des projecteurs comme Souleymane Moussa, qui fait partie du Top 20 de la CAF et Bana Moussa, 17 ans, le « fils du coach » promis à une belle carrière s’il reste humble. Notre valeur principale, c’est ça : humilité, remise en question.

Se laisse-t-on griser quand on gagne un doublé, comme c’est votre cas ? Avez-vous été récompensé au Cameroun ?
Pas encore. Je crois que c’est dans les tuyaux. Je suis quelqu’un de humble et je ne vais pas me laisser grisé. Il faut toujours se souvenir d’où on vient.

Didier Gomes Da Rosa et le Trophée Zarpa 2013
Didier Gomes Da Rosa et le Trophée Zarpa 2013

Parlez-nous de vos grands moments sur le banc…
Il y a eu la qualification à Luanda face à l’ancien coach du Cruzeiro, avec plein d’émotion. Au Caire, face à l’ancien entraîneur de Pirès à Villarreal, Garrido. Il est allé au bout avec réussite, notamment contre nous. C’est valorisant de se retrouver face à ce genre de coach. Pour moi, tout est nouveau, je ne m’imaginais jamais à ce niveau. J’écarquille encore les yeux pour le croire et puis je suis quelqu’un de très anxieux, angoissé. J’ai pas trop le temps de profiter des joies même si celle du Rwanda en 2013 était vraiment magnifique. Cette année, la finale de la Coupe sous les yeux du président Biya qui m’a serré la main et félicité.

Remporter trois titres à l’étranger par un Français ne vous vaut pas d’être très médiatisé…
Je crois qu’on fait le même métier que les autres entraîneurs du monde, avec des difficultés financières, supplémentaires. On peut se trouver sur un terrain avec une vingtaine de joueurs en train de prier et juste après, les joueurs disent coach on n’a rien contre vous mais on ne peut pas s’entraîner par ce qu’il n’y a pas de salaire depuis trois mois. C’était à Rayon, c’était un moment terrible, délicat à gérer qui ne nous a pas empêché de devenir champions. Il faut être proche des joueurs et leur montrer qu’on est un père de famille, quitte à faire des efforts financiers envers eux. C’est des moments qui nous rapprochent des joueurs. Ce qui est marquant dans mon histoire, c’est cette proximité avec eux, au Rwanda comme au Cameroun.

Vous faîtes partie des entraîneurs short listés pour le trophée Zarpa 2014. Justifié ?
Oui, justifié ! Mais ce trophée ne récompense pas le MEILLEUR d’Afrique, mais ça récompense plus une aventure humaine. L’an dernier, je l’ai pris comme ça. Mon intégration dans le peuple rwandais a été mise en relief plus que l’aspect sportif même s’il est indéniable qu’un titre doit attirer la lumière sur toi. Cette année avec deux titres et une demi-finale CAF, bien évidemment je souhaitais faire partie de cette liste. C’est vraiment un trophée très honorifique qui correspond bien à ce que j’attends de ce métier.

Quel est l’objectif pour 2015 ? Toujours au Cotonsport ?
A priori oui. J’ai refusé une offre d’un club égyptien (on parle de Smouha, NDLR) il y a quelques semaines. C’est ma dernière année au Coton et on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait. Tout le monde me fait confiance là-bas. A partir du moment où tous les engagements seront tenus. On veut faire aussi bien, voire mieux qu’en 2014. Basculer sur la Ligue des champions plutôt que sur la Coupe de la Confédération. Viser haut. On a un centre de formation intéressant qui a sorti Moussa Bana, on va intégrer trois jeunes dont un cadet. C’est l’avenir de Coton. Une vente, c’est une part importante du budget.

Vous êtes en France, de passage à Paris avec votre fille. Que faîtes-vous ici ?
J’en profite pour gâter ma fille ! On essaie de faire relâche, mais on reste connecté à l’ordi, puisqu’il faut gérer les transferts. Je suis aussi directeur général du club et c’est beaucoup de travail. Difficile de couper plus de trois heures ! Le président appelle, les joueurs demandent certains conseils, comme Kako notre attaquant qui risque d’être transféré au Maghreb ou au Qatar (al-Shamal). On est dans notre passion mais elle demande des sacrifices. On se passe des gens qu’on aime et ce n’est pas facile. C’est du CDD, en espérant que le CDD dure vingt ans. Quand je vois Jules Accorsi, sélectionneur de la Centrafrique jusqu’à 70 ans… On sent le personnage habité par la passion. Je viens de voir Artur Jorge qui coache le MC Alger, un très grand club. Il y a tellement de belles choses à découvrir !

Comme quoi ?
Je suis attiré par l’Ethiopie, l’Afrique anglophone, que je trouve plus disciplinée. Il y a des footballs en Afrique de l’est appelés à se développer, comme la Tanzanie, le Kenya et le Rwanda bien sûr…»

@Frank_Simon


Publié dans INTERVIEW

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Didier Gomes Darosa merite le trophée. Son parcours parle
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